Hymenochaete corrugata  (Fr. : Fr.) Léveillé  (Non Pers.)

 

Robert CAZENAVE

Le 17/02/2020

 

Hymenochaete corrugata en Bigorre :

Voici une espèce très répandue en Bigorre et pourtant presqu’invisible pour l’œil du profane. Hymenochaete corrugata est très fréquent sur Corylus (noisetier), ainsi dans nos forêts d'influence océanique il est presqu’impossible de trouver un vieux noisetier sans y rencontrer cette espèce.

 

Description :

Les basidiomes constituent des plaques totalement résupinées de faible épaisseur (moins de 0.3 mm) de couleur grise à brun gris ou brun rouille se devinant quelquefois à peine par rapport à la couleur de l’écorce. L’aspect est sec, rugueux, finement craquelé par le sec. Ces plaques confluent souvent pour tapisser toute la partie infère de la branche.

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H corrugata 1         Hymenochaete corrugata 2  

Ecologie :

Cette espèce se trouve principalement sur Corylus avellana (noisetier), sur des branches mortes et les troncs la plupart du temps encore en place. On la trouve rarement au sol. Elle a été également trouvée sur quelques autres supports qu’elle peut envahir grâce à une stratégie particulière que nous détaillons un peu plus loin.

 

A propos de genre Hymenochaete :

Le genre Hymenochaete comporte moins d’une dizaine d’espèces en France. Ils sont secs, coriaces à cassants et leur surface hyménale est lisse et rugueuse. Ce genre fait partie de l’ordre des Hyménochaetales regroupant des genres totalement différents d’aspect, comme les Phellinus et les Inonotus de véritables polypores, les premiers coriaces et souvent pérennes et les seconds totalement putrescibles. Tous les Hyménochaetales ont comme particularité d’avoir des soies sombres (Hyméno = hyménium ; chaete = soie). Ces soies ne sont visibles généralement que macroscopiquement, mais elles peuvent être  devinées à la loupe x20.

Discussion :

Une particularité d’Hymenochaete corrugata est son mode de « propagation ». Bien sûr cette espèce peut se reproduire par voie sporale, mais elle peut également se propager sur des branches voisines par simple contact. En effet, lorsqu’on trouve une branche de noisetier envahie par H. corrugata, on remarque très souvent qu’elle est collée à son entourage, feuilles mortes, lierre, fougères, et autres morceaux de bois. De cette façon, le mycélium passe d’une branche de noisetier à une autre, mais également sur d’autres essences (vivantes ou mortes), qu’il colonise plus ou moins. Ainsi, des basidiomes fertiles de H.corrugata peuvent être observés sur le nouvel hôte.  Un ancien nom de cette espèce illustre bien cette propriété : Hymenochaete agglutinans Ellis

 Au point de contact l’espèce produit un pont mycélien, une sorte de cordon de soudure qui consolide la jonction. Tout d’abord blanc crème à beige, il s’assombrit rapidement pour devenir noirâtre.

Cette capacité de Hymenochaete corrugata lui permet donc de se retrouver sur de nombreuses autres espèces. Voici, à ce jour, la liste des hôtes que nous avons répertoriés pour H. corrugata : Betula (bouleau) ; Alnus (aulne) ; Salix (saule) ; Prunus avium (cerisier) ; Prunus spinosa (prunelier); Prunus cerasus (laurier cerise) ; Fraxinus excelsior (frêne) ; Sambucus nigra  (sureau);  Buxus sempervirens (buis) et même Pteridium aquilinum sec (Fougères aigle). Dans la quasi-totalité des cas ces essences avaient été envahies par propagation à partir d’un noisetier en contact et « soudé » avec elles.   

Hymenochaete corrugata agglomérant végét proches       Noeud de H corrugata

Nous avons toutefois noté quelques particularités dans ce mode de propagation. Tout d’abord l’espèce produit des ponts mycéliens avec de très nombreuses plantes environnantes qu’elle n’envahie jamais comme le Fragon (Ruscus aculeatus) ou le chevre-feuille (Lonicera periclymenum) par exemple. Nous avons aussi remarqué que les ponts mycéliens pouvaient être très petits et donc certainement suffisants pour assurer le passage de l’espèce d’une essence à une autre. Alors pourquoi produire des ponts beaucoup plus gros, bien souvent en proportion avec le diamètre des branches soudées, et pourquoi assurer des ponts avec des espèces qu’elle n’envahie jamais ? En réalité, la véritable stratégie de H. corrugata est de multiplier et de consolider ses points d’attache pour que toutes les branches envahies restent à distance du sol. En effet cette espèce prospère sur les branches mortes restées en place à bonne hauteur du sol où on la trouve souvent en compagnie  d’ Hypoxylon fuscum qui affectionne également cette zone. Ainsi il est fréquent de trouver des entrelacements de branches collées les une aux autres juste au dessus de nos têtes lorsqu'on se promène dans les taillis de noisetiers...

Texte et photos de Robert CAZENAVE

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